22.08.2010
Nous, ceux de la parole toujours en marche
Impossible de quitter Lausanne sans vous expédier les cartes postales Giovanni Bosco proposées à l’accueil de la Collection de l’Art brut. Les deux premières qui représentent des œuvres feutrales sur papier ou vulgarus cartonus ont été photographiées par Arnaud Conne.
La troisième est un cliché de Lucienne Peiry herself d’après une peinture murale à Castellammare del Golfo en Sicile, patria du créateur-fétiche d’Animula Vagula.
Ces C.P. émanent de l’Associazione Outsider Art Giovanni Bosco et de la Collec de l’Art brut de Lausanne réunies.
Elles vous parviennent au moment où ça bouge en Italie du côté de ce peintre qui reste la plus belle découverte récente en matière d’art brut. Son travail «extraordinaire» figurera en compagnie de ceux de 5 autres créateurs «hors normes» dans une expo collective à Gênes du 3 septembre au 3 octobre 2010. Si j’en crois le carton d’invitation au vernissage du vendredi 3 septembre qui a privilégié une tête-cœur graffitée par Bosco, c’est l’œuvre de celui-ci qui fait office (ça ne m’étonne pas) de locomotive à cette exposition qui se tiendra au Musée-Théâtre de la Commenda di Pré.
Joli nom pour un lieu destiné à recevoir voyageurs, pélerins et pélerines. Un lieu ouvert «pour relier peuples et cultures». Bravo aux Gênois et à la province de Gênes, bravo à la région ligure qui défend de telles valeurs un peu méprisées de notre côté des Alpes. Nous, ceux de la parole toujours en marche, titre de l’exposition, sonne pour nous Français comme une agréable manifestation de tolérance envers l’errance expressive en cet été 2010 synonyme d’imbécile ostracisme d’état.
Ce titre rappelle à mon daddy ces Voix d’en bas, une anthologie de poètes-ouvriers du XIX ème siècle, concoctée en des temps héroïques (1979) par Edmond Thomas, éditeurfan de typographie bien propre sur elle.
C’est pas idiot, sauf que là c’est plutôt le sous-commandant Marcos qui a donné le titre de l’expo gênoise faisant un clin d’œil (pas facile avc un passe-montagne) à une petite poésie de l’anti-leader mexicain : «Nous les sans voix, nous les sans visage».
Evitez de vous couvrir la figure mais passez les frontières, animuliens suisses, français et autres de passage dans la botte pour vous rendre à cette expo où Giovanni Bosco est en bonne compagnie. Notamment celle de Oreste Fernando Nannetti, champion de la boucle de ceinturon dont mon ravissant petit blogue vous a déjà parlé le 15 novembre 2009.
Les autres participants, dont Melina Riccio,
je les connais pas plus que ça, donc le mieux c’est d’aller faire un tour sur le dossier de presse de l’expo. Vous y verrez que Noi, quelli della parola che sempre càmmina a pour commissaire un danseur du nom de Gustavo Giacosa, épris de scénographie-installation et d’écritures anonymes.
17:00 Publié dans Ailleurs, Expos, Images | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, giovanni bosco, collection de l'art brut, oreste fernando nannetti, melina riccio, gustavo giacosa, edmond thomas, editions plein champ | | Imprimer | | |
11.08.2010
Ne manquez pas Bonaria Manca!
Ne manquez pas Bonaria Manca! Carte postale de Roberta Trapani qui butine le miel d’Aubagne. A tous les Animuliens non tout à fait absorbés par le bar de la plage, elle adresse ce beau portrait de Bonaria récemment pris dans la maison du peintre à Tuscania, dans le Latium.
C’est en 1951 que Bonaria Manca s’est installée sur cette terre étrusque. Un drame familial et la nécessité d’éviter une vendetta l’ayant arrachée dès 1948 (elle avait alors 23 ans) à son pays natal : Orure en Sardaigne. Née dans une famille de bergers, Bonaria menait la vie des siens, gardant le troupeau, fabriquant les fromages, filant, tissant, aidant sa mère à élever les petits frères. Elle s’est mariée tard et n’a pas eu d’enfants. C’est à 55 ans qu’elle a ressenti le besoin de s’exprimer de façon artistique, chantant l’amour de la campagne et peignant la vie des bergers.
Roberta Trapani qui a eu carte blanche pour l’accrochage de ses tableaux au Festival aubagnais vous racontera ça mieux que moi : “Elle utilise d’abord la broderie et les travaux d’aiguille pour se fabriquer des vêtements, en se libérant peu à peu des formes d’expression traditionnelles sardes. Les images qui apparaissent dans ces travaux minutieux de broderies sont ensuite transposées dans la peinture : d’abord sur des toiles, puis, les toiles venant à manquer, sur des murs.(…) Peu à peu toute la maison se couvrira de fresques murales donnant forme à ses souvenirs et à ses visions ».
Je reprends la parole et quitte à regret mon rhum-coca pour vous signaler que c’est cette partie in situ de l’œuvre de Madame Manca qui me paraît la plus intéressante mais vous êtes pas obligés de me croire. Mario del Curto a photographié l’intérieur de la maison de Tuscania en avril 2010. Certains de ces clichés sont présentés à Aubagne, en compagnie d’un documentaire de Marie Fanulicki à propos de Bonaria Manca («pas un film sur elle mais avec elle»).
© Stella Production
Bonaria volontiers paie de sa personne. Au vernissage d’Aubagne, elle était là et elle a chanté.
Roberta Trapani nous rappelle que des œuvres de Manca ont figuré dans une expo de 1999 au Musée de Stadshof de Zwolle en Hollande et que le Museum Dr Guislain en Belgique possède 3 œuvres de cette créatrice.
«J’envisage (nous dit Roberta) de diriger la rédaction d’un petit ouvrage consacré à l’œuvre de Bonaria Manca. Ce livre, dont les textes seront en français, anglais et italien, permettra de mettre en valeur et diffuser son œuvre extraordinaire -qui reste largement méconnue en Italie et ailleurs- même si certains médias (journaux, télévision) se sont parfois amusés de son personnage pittoresque de «pastora pittrice».
23:55 Publié dans Expos, Images | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art brut, bonaria manca, roberta trapani, aubagne | | Imprimer | | |
18.07.2010
La galerie Impaire passe et manque
La galerie Impaire part. Elle quitte, sniff, sniff, la rue de Lancry. C’était hier, son dernier jour à cette adresse.
Et encore du monde en ce dimanche 18 juillet 2010 pour cet ultime accrochage dont je retiens cet agneau (lamb) bleu sur fond vert vibrionnaire (une gravure de Kim Clark) qui avait l’air un peu étonné de l’événement.
Encore du monde mais personne d’autre que cette bonne vieille Animula pour mettre à chaud la main au clavier et souhaiter une bonne continuation à Gaëla Fernandez qui officiait, comme si de rien n’était, avec son sourire coutumier.
J’ai flashé mélancoliquement sur les deux oiseaux aux cous serpentins de Marion Boiton
et sur les profils de Janus de Dinah Bustillos. L’un regardant le passé et l’autre l’avenir.
J’ai emporté un petit souvenir sous forme d’un miroir schizoïde avec un encadrement billes colorées/vaisselle cassée à la Gaudi : une réalisation de Jackie Frank. Hi Jackie I hope you read!
J’ai photographié une dernière fois le bureau encombré d’œuvres de ce lieu d’exposition qui, deux ans durant, aura été un trait d’union entre Paris et la Californie du Creative Growth Art Center. Notez bien la bouteille d’eau près du micro. Elle témoigne du temps radieux qui régnait ce jour-là.
A partir de maintenant, la Galerie Impaire devient nomade (a wall-less gallery). Elle projette 2 ou 3 expositions par an dans des lieux européens divers. Si j’ai bien compris, dès la rentrée, on devrait la retrouver du côté de Liège, chez nos amis belges.
20:53 Publié dans De vous zamoi | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, galerie impaire, creative growth art center, kim clark, marion boiton, dinah bustillos | | Imprimer | | |
14.07.2010
Bras d’or et Pénitents noirs, 11e biennale d'Aubagne
La Biennale d’art singulier d’Aubagne, je ne sais pas par quel bout la prendre.
Je suis tombée dessus en rêvant sur les édifices en cagettes blancs de Sylvain Corentin qu’on peut surprendre au travail dans cette vidéo ici.
Mais Sylvain Corentin qui a été l’assistant de Bernard Belluc porte le dossart de l’art modeste
(ce qui n’est pas mal du tout, surtout dans son cas) et moi je roule d’abord pour l’art brut.
J’ai donc bravement gravi la liste interminable des exposants à ce 11e festival international qui ne nécessite pas moins de deux lieux pour se déployer du 31 juillet au 29 août 2010. L’un à la Chapelle des Pénitents Noirs, l’autre à l’Espace Bras d’Or.
Le premier accueillera la perfo-anim-installation d’Alex O’Neal, un artiste américain dont je ne connais que cette image.
L’autre, la sélection de cette année qui réunit une soixantaine de cas sous la houlette de l’entreprenante Danielle Jacqui. Difficile de s’y retrouver dans cette profusion de talents divers et inégaux. D’autant que les visuels ne sont pas toujours au rendez-vous dans les liens de la copieuse liste. Le moins que l’on puisse dire c’est que ça manque de lisibilité. C’est au lecteur d’apporter son manger… Il risque de se décourager.
Votre petite âme errante, elle, a décidé de s’accrocher. S’accrocher au regard perçant et vide qui vous hypnotise dans le bandeau du site de la Biennale. Ce regard c’est celui d’un portrait émacié de Rosaria Cannonito, une créatrice sicilienne, née à Palerme, dont je ne résiste pas à vous soumettre quelques troublantes images. Cette Donna in abito verde au corps en entonnoir, par exemple
Ce Fantasma dont on vient de manger un morceau.
Ce S. Giuseppe con il bambino Gesù en voie d’auto-effacement progressif
Qu’ajouter à cela sinon cette Elisabetta d’Inghilterra qui réinterprète à elle seule tout l’art du portrait italien renaissant et baroque?
Ou bien cet informel Sole rosso après quoi il n’y a plus rien à dire
12:06 Publié dans Expos | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : rosaria cannonito, art brut, biennale d'art singulier, aubagne | | Imprimer | | |
07.07.2010
Notes d’art brut
Turin, Monaco. Ce coup-ci rien que des notes. Vu que je suis allée courir les routes morvandelles en pleine canicule. Des notes qui font penser au Sud, cher à Nino Ferrer, au «Sehnsucht nach Italien» du tonton Goethe. Des notes? Même pas. De purs griffonnages. Style:«signaler aux Animuliens» ou «pas oublier de leur dire». J’en ai des masses dans mes carnets et quand je n’ai pas de carnet ou de clavounet à ma dispo, c’est sur mes doigts que les écris. Ephémères tatouages, henné improvisé.
Aujourd’hui, j’en choisis deux. «Très intéressant» ai-je ponctué sur mon index gauche devant cette info cueillie sur le blogue de Dominique Leglu : l’entrebaillement du Museo di antropologia ed etnografia de Turin.
Prochaine visite : mercredi 7 juillet 2010, même tard (17 h 30 jusqu’à 23 h 30). Si vous passez par là ou si vous êtes turinois (plus commode). Possibilité de visite ensuite sur RDV.
Je crois bien avoir déjà vu quelque part, mais où ? l’extraordinaire dentelle d’os sur lequel Madame Leglu insiste. L’œuvre du carabinier Francesco Toris. Le Nouveau monde, c’est son nom et c’est tout à fait carabiné en effet.
Autre remarque marginale dans un de mes petits «chiffonniers» (j’appelle comme ça mes agendas), ce lapidaire: «avec Berst». What does that means? Et bien ça veut pas dire : «Tous avec Berst» mais ça pointe sur un flash-actu du blogue de Monsieur Daniel Boeri (aux belles moustaches en pointes) qui nous apprend que le dynamique galeriste parisien, ne s’accordant décidément aucun repos, abritera pour l’été un bon petit paquet de son stock dans un Entrepôt snobissimement situé à Monaco, «capitale estivale de l’Art brut».
Apprenant cela je me suis jetée éperdument dans les bras de mon chéri pour un mambo de Monaco (Monaco co-co, Monaco co-co) qu’aurait pu imaginer Nino Ferrer si Aimé Barelli ne l’avait pas fait.
01:36 Publié dans Expos, Miscellanées | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, francesco toris | | Imprimer | | |
01.07.2010
Ne m’oubliez pas à la collection Prinzhorn
Vergiss mein nicht, ne m’oubliez pas : tel est le cri de l’art brut, le soir au fond du mois de juin. Je sais, je sais, vous êtes déjà partis en vacances et si vous n’y êtes, vous en rêvez.
Moi aussi, je fais les soldes à la recherche d’un petit haut pour aller avec mes trente-sixième dessous de l’été. Cependant le fait est là, la vie des bêtes bat son plein comme je l’ai constaté le ouikène dernier, en parcourant le Canard de mon chéri, dans l’Intercités 3312 retour de la plage de Cabourg où j’ai pris un coup d’insolation sur les ripatons.
Dans un article sur «la viande bleue» (nous a-t-on assez bassiné avec les Bleus, ces temps-ci!) le Volatile enchaîné, dans son n°4878 du 23 juin 2010, nous relate ce propos inattendu d’un éditorialiste du journal irlandais L’Indépendant. C’est à propos d’un certain Domenech, un nom que l’irish-plumitif n’a pas l’air d’apprécier. Jugez-en : «Un nom à voler les enfants et les fondre pour des expositions d’art insolite pour le Centre Pompidou».
Sur la tête de mon daddy! «d’art insolite», vous avez bien lu! Franchement, s’il y avait des expos d’art insolite à Pompidou (des sous), ça se saurait, non? Mieux vaut entendre ça que d’être sourde! Passons!
Et tournons nous vers l’art brut, le vrai, le cru, le bleu, le saignant. Tournez vous avec moi vers Heidelberg, ein, zwei, drei, vier! ça vaut la peine d’allonger le pas. En vous y prenant tout de suite vous aurez le temps d’arriver à l’heure pour l’ouverture de la nouvelle exposition à la Sammlung Prinzhorn le 8 juillet 2010.
Ensuite de quoi, vous aurez jusqu’à la fin octobre pour vous pencher sur ces Vergiss mein nicht/Forget me not qui offrent au public des Aperçus sur la vie asilaire aux alentours de 1900 (Insights into asylum life around 1900/Einblicke ins Anstaltsleben um 1900).
Heinrich Hermann Mebes
C’est à ma connaissance nouveau d’aborder ainsi les choses du côté du petit bout de la lorgnette.L’exposition, qui se veut importante, a pour ambition de reflèter la vie de tous les jours dans l’institution psychiatrique.
Helene Maisch
Plus de 120 peintures, dessins, collages, œuvres textiles et lettres. Auteurs? : une soixantaine d’hommes et de femmes ayant fréquenté une trentaine d’institutions différentes dans la période allant de 1895 à 1925. On joue sur la proximité. C’est tant mieux.
01:26 Publié dans Expos, Nos amies les bêtes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : art brut, collection prinzhorn | | Imprimer | | |
25.06.2010
7 dessins du prince Youssoupoff
L'Envie
Youssoupoff c’est du post post. Pas seulement parce que Félix Youssoupoff ça nous ramène à de l’histoire ancienne, à un temps d’avant Poutine, Brejnev et même Staline.
Au temps des tsars exactement où les princes russes qui n’avaient pas la chance comme le beau Félix d’emmener un gros diamant en exil se retrouvaient chauffeurs de taxis à Paris.
Post post, mon post d’aujourd’hui car c’est avec un mois de retard que je chrommunique au sujet des époustouflantes aquarelles du Prince Youssoupoff rencontrées l’avant dernier jour de mai 2010 en la Galerie L’Arc-en-Seine. C’est à l’occasion de la 12e édition d’Art Saint-Germain des Prés que je trainai mes guêtres rue de Seine ce jour-là et je frôlai la syncope en apercevant dans la vitrine de la galerie cette assez petite mais très dense trogne intitulée Le Doute.
De loin comme ça, j’avais cru que c’était un portrait hallucinant de Marguerite Burnat-Provins. De près, je pensais au comte (noblesse oblige) de Lautréamont. «Le Canard du doute», vous pigez?
Le Doute
Sinon, allez chez Wiki et renseignez vous aussi auprès du camarade Gougueule à propos de l’auteur de ce dessin visonnaire. Pour les allergiques du clic superflu, je dirai rapidement que Félix Youssoupoff (1887-1967) c’est, avec d’autres conjurés, l’exécuteur de Raspoutine, le gourou crado et partouseur qui avait hypnotisé la Tsarine de l’époque.
Le Flegme
Je vous passe les détails sordides de la mort de Raspou, un costaud de chez costaud sur lequel il fallut s’acharner. Ce terrible événement, par lequel Youssoupoff crut sauver la Sainte Russie, l’obséda toute sa vie d’autant que les journalistes n’arrêtaient pas de le questionner là-dessus. Et ça explique peut-être que 12 ans après ce meurtre, en 1929, il se soit trouvé atteint d’une fièvre art-brutifère.
L'étonnement
Alors qu’il villégiature en Corse, Youssoupov se sent soudain pris d’une violente envie de dessiner. La manière dont il relate la chose ne fait guère de doute. C’est bien à une crise impérieuse d’automatisme qu’il cède : «Mon travail s’exécutait comme en dehors de moi-même. Je ne savais pas ce que j’allais faire». Et encore : «Je me suis adonné à la peinture comme si j’avais été ensorcelé. Mais ce que je créais étaient des visions de cauchemar plutôt que des créatures de rêve. Moi qui n’aimais que la beauté sous toutes ses formes, je ne pouvais créer que des monstres. (…) Un jour j’ai arrêté de dessiner aussi subitement que j’avais commencé. Le dernier dessin eut pu être le portrait de Satan».
Pour cette expo de Sept dessins par Le Prince Félix Youssoupoff, la Galerie L’Arc-en-Seine a pondu un catalogue or et noir qui complète celui sur papier saumon de la Baltique qu’elle avait publié (avec un texte de Edmonde Charles-Roux) lors d’une précédente présentation en 1988 de ces dessins qui, pas plus que maintenant, n’étaient à vendre.
23:44 Publié dans Expos, Images, Oniric Rubric | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, prince félix youssoupoff, galerie arc en seine | | Imprimer | | |
20.06.2010
A.C.M. court le monde
Fut un temps où A.C.M. n’envisageait qu’avec répugnance le transport de ces œuvres. C’était il y a plus de 10 ans et cet «architecte du vide» (selon le mot de Béatrice Steiner dans le n°17 de Création Franche en juin 1999) qui construit en donnant le sentiment de déconstruire, parlait à ses machines avec de la tendresse sous ses grosses moustaches à la Flaubert. En ce temps-là, la présence d’un gentil chow-chow à la langue noire lui était consolante.
Il lui semblait impossible que ses sculptures puissent quitter son atelier installé dans une ancienne manufacture de tissage familial. Pourtant ses assemblages de petites pièces de machines à écrire, vissés, collés, patinés à l’acide étaient parfaitement costauds. Mais A.C.M. qui désignait son travail comme «un effritement qui dessinerait des choses» avait peur d’en perdre quelques morceaux.
Comme si sa propre chair risquait de partir en lambeaux. Il sortait à ce moment là d’une période où il n’avait cotoyé personne et où il avait pris tous les risques d’une absorbtion dans la création pour la seule création. Environné de ses productions, il souffrait de sa position inconfortable : attaché à sa solitude partagée avec le seul soutien de son épouse, assoiffé cependant d’être mieux compris des autres, sinon reconnu par un public d’amateurs.
Il a fallu de la patience aux petit nombre de ceux qui l’encouragèrent alors pour le décider à affronter le feu des expositions. Il inventa alors des conteneurs en bois où ses chers volumes, parfaitement stabilisés, purent prendre la route. Et quand il le fit, cet «écorché vif» entre le zist de l’art brut et le zest de l’art contemporain rencontra tout de suite des collectionneurs puis des marchands qui donnèrent à son œuvre son retentissement actuel.
La voilà maintenant qui traverse l’océan. Nous la retrouvons en Amérique, dans une expo de groupe (June 17, August 14) à la Galerie d’Andrew Edlin que votre petite âme errante félicite pour cela et aussi pour autre chose.
On signale également la présence d’A.C.M. dans notre vieille Europe, à Gent (Gand) en Belgique au sein de l’expo De Wereld Andersom (Le Monde à l’envers).
C’est au Musée du docteur Guislain que ça se passe dans le cadre de la sortie d’été d’une belle part de la Collection abcd.
Ceci jusqu’au 12 septembre 2010.
Après le 24 septembre 2010 et jusqu’au 9 janvier 2011, les mordus d’A.C.M. retrouveront l’artiste à la Schirn Kunsthalle de Frankfurt dans l’expo Weltenwandler/World Transformers, Die Kunst der Outsider.
19:12 Publié dans Expos | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, acm, collection abcd, musée du dr guislain, andrew edlin gallery | | Imprimer | | |
19.06.2010
Visages de l’art brut
«Animula c’est Animula!..» Cette énigmatique affirmation m’a été récemment servie dans un vernissage, avec un sourire au coin de la moustache, par un de mes malicieux lecteurs. Elle m’a plongée (plouf) dans un abîme de réflexions. Bien que proférée sur le ton de la plaisanterie, elle n’en était pas moins grosse d’implications philosophiques, pour ne pas dire métaphysiques.
Qui étais-je ? pour qu’on m’adresse pareille tautologie calquée sur la boutade de Dubuffet : «L’art brut, c’est l’art brut etc.». Où allais-je? et dans quelle étagère finirais-je?
De fil en aiguille, je me suis mise à chercher le visage de l’art brut qui s’est superposé dans ma rêverie au visage (idéal) d’Animula. Ou l’inverse, je ne sais plus. Et j’ai trouvé ceci :
Ces inéluctables visages proviennent du catalogue d’une exposition dont je vous ai déjà parlé à la fin de l’année dernière (le 6 décembre pour être précise), dans ma note : Espagne, 70 ans d’art en hôpital psychiatrique. Ce copieux et richement imagé catalogue est maintenant entièrement consultable sur le net. Page après page, on peut le feuilleter électroniquement avec un bruit de papier froissé très rigolo.
Comment ne pas s’arrêter aussi sur ces photos des murs du Manicomio Provincial de Murcie, prises dans les années trente?
17:21 Publié dans Blogosphère, Expos, Glanures, Images | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, manicomio, hôpital psychiatrique, murcia, espagne, graffiti | | Imprimer | | |
13.06.2010
Covoiturages bruts
Avalanches brutes et/ou de la famille brute au rayon expositions. On voit que l'été approche.
Je rêve de co-voiturage, je pose des congés, je jongle avec les horaires de la SNCF. Je fais ma Petite Jehanne de France et mon chéri-que-j'ai son Blaise Cendrars.
J'écarquille les yeux sur la carte de l'Hexagone comme si c'était l'itinéraire du Transsibérien. Je m'autoprépare, j'ai des voyants qui s'allument dans la tête : Vendée, Lozère, Allier, Bordelais ... Je trace des lignes imaginaires qui passent par Les Sables d'Olonne, Lapalisse, Bègles, Saint-Alban-sur-Limagnole.
C. comme classique, É. comme émeraude, c'est l'expo C. comme calligrammes au Musée de l'Abbaye de Sainte-Croix des Sables jusqu'au 7 novembre 2010.
Chaissac a 100 ans cette année car il est toujours vivant dans nos cœurs. Epaulé par des collections privées, le MASC nous sort pour l'occasion des dessins écriturés tendance calligrammes.
Malgré les commentaires un peu dissuasifs du dossier de presse qui attire votre attention sur les possibilités d'hébergement restreintes, précipitez-vous (au moins par la pensée) aux 25e Rencontres de St-Alban (Sent Auban) les 18 et 19 juin 2010. Au programme, en accompagnement des savants bla-bla, un laïus de Christophe Boulanger sur Jayet, l'Aimable boucher
et dans le fond de la cour une expo sur l'art brut polonais (bon sang, je voudrais bien voir ça).
Si L'Art en Marche n'existait pas, il faudrait sans doute l'inventer.
Qu'on me pardonne cette évidence puisque je vous emmène maintenant à Lapalisse où vous avez jusqu'au 30 septembre 2010 pour traîner vos tongs dans l'expo sur La Tinaia organisée avec la Susi Brunner Galerie de Zurich.
Marco Raugei - La Tinaia
Ceux qui, comme moi, l'ont vue dans le cellier de Clairvaux à Dijon pendant la Biennale de l'Asso Itinéraires Singuliers (voir mon post L'Echo des Colloques du 9 mars 2010) y retourneront avec plaisir parce qu'elle vaut le détour et même le retour.
Claudio Ulivieri - La Tinaia
Même si Luis Marcel en fait un peu trop en la qualifiant d'«événement d'envergure internationale». Mais c'est dans la nature donquichottesque (ou sancho-pancesque) de ce pittoresque personnage qui cette fois-ci ne se contente pas de provocations et nous offre de quoi nous attirer dans ses filets.
Enfin, car je sens que vous fatiguez, ne faites pas votre cure annuelle de grands Bordeaux sans faire étape à Bègles pour Un Autre Regard, l'exposition, la petite dernière de la Collection Création Franche (21 ans d'âge) qui, jusqu'au 5 septembre 2010, sera bourrée jusqu'à la gueule (11 salles sur 2 niveaux) de pionniers, de doteurs, de créateurs venus des 5 continents, de voyageurs, d'hommes du commun, de visionnaires, de tourmentés et j'en passe.
La présentation est aussi un peu hyperbolique. On leur pardonne (Ah ces Gascons !) parce qu'il y a du lourd. J'ai coché : Bonjour, Madge Gill, Lobanov, Gene Merrit, Duhem, Ratier, Robillard, Grünenwaldt, la bande à Gugging, Ted Gordon pour ne parler que de mon cœur de cible.
21:42 Publié dans Expos, Miscellanées, Vagabondages | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art brut, gaston chaissac, aimable jayet, la tinaïa, création franche, art en marche, marco raugei, claudio ulivieri, les sables d'olonne, bègles, lapalisse, st alban | | Imprimer | | |